Un jour d'octobre à Grenade

De cette escale à Grenade, je me souviens…

Le vent, l'amitié, le large aux parfums Maltesiens, le sentiment d'être poursuivi, depuis l'île de Cariacou, par ce regard de femme ; il ne m'était pas adressé, fut ignoré par celui le reçut, et je l'imaginai s'éparpiller dans le vent, molécules fantomales errant en mer Caraïbe… Où se trouve le cimetière des regards perdus ?

Puis à Greenville, en escale sur l'austère côte Est, je me suis demandé à qui ou à quoi pensait ce vieil homme que je surprenais, seul au premier étage d'un bâtiment délabré dont le fronton annonçait Bakery, mais où ne se trouvait aucun pain.

Il était là devant la turbulence du port et mon voilier au mouillage…

Son âge m'a d'abord répondu : génération Bishop ! ai-je imaginé, parce que j'avais un peu lu l'histoire récente. Maurice Bishop, premier ministre socialiste, fusillé quelques jours avant l'intervention américaine de 83. Une semaine plus tard, triant mes clichés, je me renseignai : Le gros de la Task Force américaine arriva précisément ici, dans la rade de Greenville, le 25 octobre.

Alors au souvenir de quelles blessures son corps se tordait-il ? Opposant ? Compagnon de route ? Ou rien d'aussi politique …

Je reviendrai, me suis-je dit, il sera là et je lui parlerai.

Le cimetière des regards perdus

12/8/20191 min lire