La Pensée, le Progrès et la Peur

De Moitessier à Caudrelier en passant par Coville

2/10/20241 min lire

2 février 1969, après 150 jours de mer, le grand Moitessier, qui avait tout à dire, et l'écrira brillamment, passe péniblement en tête le Cap Horn, à bord d'un "coffre-fort" en acier de douze mètres, labourant la mer à 9 nœuds.
Quarante cinq jours plus tard, ayant renoncé à la victoire, il catapulte sur un cargo dans la baie du Cap, un petit jerrican dans lequel il a glissé un message accompagné de ses cassettes et bobines de films. Il y annonce : “Je continue sans escale vers les îles du Pacifique, parce que je suis heureux en mer, et peut-être aussi pour sauver mon âme”.
6 février 2023, 35 jours de mer, le grand Caudrelier qui n'a rien à dire, et ne dira rien, passe brillamment en tête le Cap Horn à bord d'un oiseau géant volant à 30 nœuds. Quelques secondes plus tard, il envoie en mode selfie, une minute trente de vidéo, où le mythique Cap Horn n'est plus qu'un décor de fond pour la grosse tronche bonasse de l'athlète en scène. Celui-ci met cap au Nord-Ouest, se jouant des dépressions comme de courants d'air, passant dans une enfilade de portes calculées. . . Un hallucinant progrès.
Pour des raisons différentes, j'estime ces deux héros qu'un demi-siècle sépare.
Pour des raisons très différentes... Illustrées par ces questions qu'à bord de Keila je me suis souvent posées ; elles s'adresseraient différemment à ces hommes, comme au point du Monde où nous sommes parvenus : Que servent tes livres  ? Que sert ta vitesse ?
Au même moment, 2500 milles derrière, Thomas Coville, sous le coup de la peur, entrevoit une conscience différente du monde :